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DANIEL ROTH

par Emmanuel Loi

(J.S.O printemps 2011)

C'est toujours avec une certaine solennité que Daniel Roth nous autorise à pénétrer dans son univers tiré au cordeau. Au Passage de l'art où il présente quelques pièces acérées et compactes, nous ne serons pas déçus. Le caractère indémodable de ces pièces est leur principal charme, aucun profil séducteur, aucune traînée ou approche bégayée afin d'obvier le sens.

Des œuvres hors du temps mais en plein dans leur temps. L'intelligence de saisie des volumes nous fait aller directement au fond vers E.C.H.O, un chantier limpide où parmi un entrelacs de fer à béton, les quatre lettres de fer forgé scandent un mot proprement phonétique dont le mythe balaie l'oubli de la première parole « Retourne-toi ». Echo, le mot fait chose, autant que l'ukase du coup de force décidé parfois sans un mot. Droit de véto, lynch, colt, des mots et formules apparus comme outils. Faire écho à sa propre parole sans pouvoir s'y fier.

Le travail sur le son hante Daniel Roth, il se sert des membranes de haut-parleurs comme des hyperboles, des macarons étranges et neutres d'où sort un chuchotement labial, une fuite de mots, chute d'eau. Il ne tient surtout pas à poétiser, à rajouter une levure de sens. Non, la sculpture sonore brise menus les petits avantages qu'une visite intempestive, à la volée, pourrait faire croire.

Ces pièces nécessitent - autant l'échelle de Jacob que les dessins impromptus sur un dépliant de huit feuilles qui forment ainsi une échelle de papier - de construire son regard, de se rendre apte en acceptant une réceptivité qui ne délasse en rien. Aussi l'attachement au conceptuel, au sérieux de l'admonestation, peut dérouter et isoler. Dans ce travail sur les indices de compréhension, il reste une part non gouvernée par l'artiste. Irradiés lentement par le son très peu préhensile, nous sentons la pression d'un mystère qui scalpe l'association facile.

Par les interstices, chaque œuvre accueille les écarts, rejette la connivence et ne veut rien savoir d'un sens établi, d'un compte soldé. Se creuser les méninges, construire avec, instruire une procédure. Etrange déroutement de la matière, décompression des aléas.

Daniel Roth nous montre les étages de la transformation - l'on peut grimper ou faire du surplace, la part d'indécidable ne se vend pas - il nous invite dans son bureau d'étude à assister à un work in progress, à la fois comment les choses lui viennent, comment elles s'emparent, à peine formées, de la modulation. Empreintes et esquisses font partie du processus en cours de l'édi­fication: Les montrer, les associer, c'est prendre en considération l'attente du visiteur et la déjouer. Depuis trente ans, nous avons vu avec Arte Povera puis les néo­-constructivistes des tentatives de corrosion de la finalité pour tout dire, le vrac, la mise en évidence des démêlés entre la figure, l'optique et l'espace en trois dimensions.

Nous sommes évidemment là dans la tradition avant-gardiste : supposés être dans l'atelier, proches de l'artiste, presque dans sa tête, nous collectons des éléments ou diagrammes (photos, dessins, sculptures, pièces sonores) en étant des supplétifs.

Les écarts et l'acheminement ne sont pas lisibles à l'aune d'un binôme dénoncé fission - agglomération. Si l'on comble l'écart trop vite, l'on épuise le mouvement de translation. Pour apprécier l'œuvre, il est conseillé de ne pas se précipiter dans l'injonction à voir trop vite. Un schème sur les points de rupture. Car il y a là aucune idéalisation, peu d'engouement pour le formatage et la vente de charmes.

La topOgraphie du dénuement qui est agencée ne laisse pas place à la pavane. La scie égoïne de l'égo ne chante pas. La matérialité domine, c'est en quelque sorte le travail d'un matérialiste qui nous rappelle que toute image a son suaire.

 

 

Exposition Daniel Roth « E.C.H.O »

25 janvier au 18 février 2011

Le Passage de l'Art, Marseille

www.lepassagedelart.fr

 

 

 

 

 

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